GENTILS INDIENS

 

Il a fait un temps merveilleux en ce lundi de Pentecôte. Dans l'après-midi, ma cousine Clélia est venue nous rendre visite avant de repartir prochainement pour le Québec où elle s'installe pour les six prochains mois et peut-être même définitivement par la suite.

 

Maya, en plein effort

 

Nous avons lézardé au soleil une bonne partie de l'après-midi, Clélia étant très sollicitée par Fiston pour faire une partie de tennis de table, pour jouer aux échecs ou encore à la bataille.

 

Clélia n'en revient pas !

 

Ce jeu de bataille était un peu particulier puisque il se jouait avec des cartes Pokémon (ton navré) et que ton grand frère improvisait ses propres règles au fur et à mesure que la partie se déroulait. Clélia en était toute perplexe…

 

 

Après un repas qui s'est étiré sur toute la soirée pour profiter de la relative fraîcheur naissante, nous sommes allés coucher Fiston, lui lire quelques pages du "Crabe aux pinces d'or" et se souhaiter les rêves.

La présence de Clélia m'a servi de prétexte pour lui souhaiter de faire plus tard de beaux voyages et notamment, au Canada où il pourrait sans doute rencontrer des Indiens. Cela l'a enthousiasmé : « Ah oui, des Indiens ! Ce sont des sauvages. Papa, est-ce qu'ils chassent toujours avec des flèches ? Ils sont moins humains que les "autres" je crois… » Je lui ai demandé ce qu'il entendait par "moins humains". En fait, il voulait exprimer par là qu'ayant la peau plus cuivrée qu'un Européen moyen, ils étaient tout simplement différents de nous. Une fois le vocabulaire rétabli, j'ai entreprise de lui parler de leur condition. Et comme je n'entends pas qu'il ait une vision trop idyllique du monde, j'ai mentionné les difficultés qu'avait connues ce peuple et qu'il connaît toujours aujourd'hui d'ailleurs. J'ai ainsi parlé des guerres passées avec les colons, de l'apparition des réserves, mais aussi dans un registre plus contemporain du chômage et des inégalités, de la précarité et de la discrimination dont les citoyens indiens sont l'objet… Sur quoi, je lui ai fait le petit câlin du soir et lui ai souhaité bonne nuit.

Je regagnai la terrasse et repris le fil de notre conversation avec Maya et Clélia. Alors que nous nous battions contre les moustiques, nous avons tout à coup entendu Fiston éclater en pleurs. Nous accourûmes. Entre deux sanglots, il parvint à nous dire : « Papa, Maman, je suis triste pour les pauvres Indiens. Quand on ira les voir, je leur porterai une carte postale où je leur écrirai qu'ils sont bien gentils et qu'on reviendra les voir. Et je leur ferai aussi des fleurs séchées parce que les fleurs séchées, ça dure cent ans ! »

Crois-moi, ton grand frère faisait peine à voir. Une si grande tristesse pour des événements si lointains… J'avais sous-estimé le tracas que mes propos pouvaient engendrer en lui. Une fois de plus, j'avais été stupide. Même si je crois que ce n'est pas rendre service aux enfants que d'idéaliser le monde qui les entoure, en tout état de cause je l'avais investi là de quelque chose pour quoi il n'est pas encore mûr. Pourtant, malgré ce serrement de cœur, j'ai pris cet accès de chagrin comme une preuve que la conscience humaine s'éveille en lui.

 

 

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