RÉMINISCENCES
Séquence Émotion ce soir. Nous avons fait un véritable plongeon dans le temps.
À Mulhouse, Vò nous avait prêté son vieux projecteur Super 8. Et une bobine aussi. C'est un appareil comme on n'en voit plus beaucoup, qui pèse 2 quintaux au bas mot et produit un cliquetis caractéristique aux accents de vieille salle de ciné-club.
Sur cette bobine, je m'y suis vu, c'était en 1976, au Tchad puis au Cameroun, et j'avais 10 ans. Bien sûr, je m'étais déjà vu sur des photos de cette époque mais là, de me voir en mouvement, ça m'a fait comme un choc. Hélas, les images où j'étais présent étaient fugaces mais j'ai aussi retrouvé des sensations, des bruits, des odeurs d'il y a près de 25 ans ! Sur l'écran, la luminosité était parfois à peine soutenable reflétant la terrible sécheresse qui régnait à cette période dans ce coin de l'Afrique. J'ai aussi revu une de mes amourettes d'enfant, Viviane, dont la famille habitait alors au Tchad et qui déménagea ensuite en Mauritanie. Fiston était plus attentif aux éléphants, girafes et autres animaux de la brousse, normal. N'empêche qu'il a bien rigolé de me voir déguisé en enfant avec mon short trop grand et mon appareil photo en bandoulière.
Quand le film fut terminé, Papyves attrapa de je ne sais quel endroit deux autres bobines au même format qui dormaient là depuis plusieurs années. Sur l'une, on pouvait voir son mariage avec Mamina et le voyage de noces à Venise qui s'ensuivit. C'était aussi la première fois que tous les deux visualisaient ces images depuis leur tournage. Mamina en était toute émue.
Sur la dernière bobine, nous y avons vu ton oncle Yann, alors âgé de quelques mois se promenant dans une forêt médocaine. Je précise qu'aujourd'hui, à près de 20 ans, il mesure quelque 1,90 m, le contraste avec l'époque n'en était que plus saisissant ! Il était à bord de sa poussette escorté par mon cousin Gustav, alors âgé de 7 ans et de sa sur, Clélia, vieille de 3 printemps. Là aussi, j'ai eu un choc !
J'ai toujours eu plus d'inclination pour la photo que pour le film, pour l'image statique que pour l'image en mouvement, sûrement mon côté old-fashioned à moi ! Néanmoins, je crois qu'opposer ces techniques est un faux débat. L'une est complémentaire de l'autre et chacune, à sa manière, sait susciter des émotions différentes.
Un truc qui me hante quand je regarde de vieilles images, c'est de chercher dans les yeux du ou des sujets un signe annonciateur de ce qu'ils sont devenus plus tard. Et comme beaucoup d'amateurs de photo je pense, je me demande toujours ce qui passe par la tête du personnage à l'instant précis où il se fait photographier. La vie qui passe me fascine, tout en m'irriguant de sentiments nostalgiques. Je souhaite profondément réussir un jour à me procurer dans le commerce une série de reportages télévisés tournée par Daniel Karlin et Tony Lainé. Cette série s'appelait "Que deviendront-ils ?" Son principe : suivre des garçons et des filles de la petite enfance jusqu'à l'âge adulte en les filmant régulièrement pour voir ce qui s'est passé dans l'année écoulée. Ces épisodes, absolument captivants, mettaient en exergue des éléments sociologiques intéressants (pour simplifier : le milieu socio-familial prédétermine-t-il l'évolution des individus ?) mais j'ai surtout retenu l'image de tous ces petits mômes partant avec un potentiel à peu près équivalent et qui, quinze années plus tard, avaient utilisé ce potentiel bien souvent de manière différente de ce qu'on pouvait imaginer ou, du moins, de ce que le discours des parents pouvait laisser augurer. Je souhaite me procurer ces enregistrements car je voudrais vous les faire découvrir, à Fiston et à toi, quand vous serez un peu plus vieux. Je crois que si, personnellement, j'avais vu ces reportages à l'âge de 12 ou 13 ans, j'en aurais tiré un grand bénéfice.
Pour boucler avec le sujet de la vidéo, quelques mois après la naissance de Fiston, nous nous sommes équipés d'un camescope digital (les modèles numériques n'existaient pas encore) et, encore maintenant, je trouve extraordinaire l'idée que, plus tard, il pourra se revoir gesticulant, vivant et entendre la voix qu'il avait lorsqu'il était bébé et qu'il pourra en faire profiter ses propres enfants s'il en a un jour. Je regrette que nous n'ayons pas eu cet appareil dès sa venue au monde, il nous manque 5 ou 6 mois de sa vie... Par bonheur, ce ne sera pas le cas pour toi, si toutefois j'ai la présence d'esprit début juin de mettre mes batteries à charger. Me connaissant, je serais bien capable d'oublier.
Mais il me faut aussi au préalable "faire le vide" sur mes cassettes. J'utilise un format 8 mm, pas lisible si je n'ai pas le camescope qui, une fois reliée au poste de télévision, en permet la lecture. De plus, les cassettes 8 mm sont assez onéreuses. Ma tactique consiste dès lors à transférer, via le magnétoscope, mes enregistrements en 8 mm sur des cassettes VHS qui sont bien meilleur marché et qui peuvent être lues simplement en les insérant dans le magnétoscope. Autre avantage : de cette façon, je peux réutiliser mes cassettes 8 mm pour des enregistrements successifs.
Ce détour pour dire que, possédant un stock important de cassettes 8 mm enregistrées, il me faut avant ta venue les copier sur des supports VHS, ce qui est consommateur de temps, un minimum de soin étant à accorder au montage. Cela est une des grosses tâches qu'il m'appartient d'accomplir entre cet hiver et le printemps prochain.
Les autres tâches ? Eh bien, je dois également répertorier, classer et ranger toutes les photos qui se sont accumulées depuis deux ou trois ans. De la naissance de Fiston à ses 2 ans environ, j'avais constitué plusieurs albums. Et puis, mon assiduité s'est relâchée et les clichés se sont amoncelés. Les pochettes de photo traînent ça et là, il y a de l'ordre à mettre dans tout cela. Et puis je songe aussi au déménagement qu'il va falloir entreprendre. Cette pièce dans laquelle j'écris la présente chronique est destinée à devenir ta chambre. Cela signifie que le bureau et ce qu'il y a dessus et autour (ordinateur, périphériques, livres et revues ainsi que tout un fatras de choses hétéroclites) vont devoir être transférés de cette pièce au salon où je compte disposer le "coin informatique". Je compte également en profiter pour patiner le bois des meubles.
Bref, du boulot en perspective à tel point que je songe sérieusement à prendre une semaine de congés au mois de mai pour organiser tout ça.